©Riffaud/Morvan/Bertail/Dupuis

 

 

« Il faut voir. Il faut regarder. Il ne faut jamais fermer les yeux. Ne jamais les baisser. Toujours montrer. Mais ça ne suffit pas, il faut savoir ensuite faire passer ce regard. Il faut parler de ce qu'on a vu et ce n'est pas toujours facile, surtout quand le pouvoir n'est pas d'accord pour que vous disiez ce que vous avez vu et ce qu'il a fait. [...] Mon travail c'est de donner une voix à ceux qui font l'Histoire, mais qui, toute leur vie, resteront silence. »

 

Concert Madeleine Riffaud 

TRIO LÉA

Emmanuelle Goizé : Voix - Aline Pelletier : Piano - Laurent Zeller : Violon

 

Les poèmes sont de Madeleine Riffaud

Les arrangements pour voix, violon et piano sont de Aline Pelletier et Laurent Zeller

Les textes sont des extraits de la série d'entretiens de Madeleine Riffaud réalisés  par Ludovic Sellier pour France Culture en 1993 ainsi que des entretiens recueillis par Gilles Blazy pour le

livre On l’appelait Rainer aux éditions Julliard, novembre 1994.

 

« J'avais 20 ans en 1944. J'appartiens à une ethnie minoritaire, celle des garçons et des filles qui avaient juste vingt ans le jour de la libération de Paris. ( … )  Nous étions volontaires, nous savions ce que nous risquions, nous n'attendions aucune récompense. Nous n'avions que notre colère, notre pureté, notre amour. »

  • À la dérive - Aline Pelletier

« Il nous faut être vigilant, sentinelle, ne pas baisser la garde devant les éventuels falsificateurs de l'Histoire. Et aussi, pourquoi pas, en profiter joyeusement pour faire revivre quelques-uns des copains innombrables, soldats inconnus de la Résistance, sans nom, sans uniforme, sans identité, qui ont rejoint les oubliés de toutes les guerres du monde. » 

  • L’homme au sourire - Julien Joubert - 1947 en référence à un fusillé de 1944
  • La grenade - 1946 
  • Maman - Jean Wiéner - 1950
  • Neuf balles - Laurent Zeller Dédié à Jean-Pierre M., 16 ans
  • Sonate tango - Laurent Zeller 

« Pont de Solférino. C'est un beau dimanche, il y a du monde, des familles avec les enfants qui se promènent,  comme en temps de paix. Un soldat allemand, un sous-officier, seul, s'arrête pour regarder la Seine. « Ne pensez pas que c'était quelque chose de drôle. Ni quelque chose de haineux. Comme aurait dit Paul Eluard, j'avais pris "les armes de la douleur". J'avais très mal à l'intérieur de moi. Très peur aussi. Je me suis approchée et j'ai tiré dessus, presque à bout portant. Il est tombé comme un sac de blé. Il n'a pas crié. Je l'avais bien tué, dans la tempe, de manière à ce qu'il ne souffre pas. Un grand silence s'est fait dans ma tête. » 

  • Traquenard - Joseph Kosma - Écrit à la BS2, 23 juillet 1944 ( brigade spéciale n°2 de la police française )

« L'homme est le seul être qui se rebelle. Le fait même de se rebeller définit l'homme, et l'on est au cours de sa vie plus ou moins homme selon que l'on se résigne à sa condition humaine ou que l'on se rebelle.

Être un homme c'est aussi faire de la résistance contre la vieillesse, la maladie, le sida, contre le fait de devenir aveugle. C'est ne pas s'habituer aux horreurs de Bosnie, d'Hébron, de Beyrouth, du Soudan, d'Angola, d'Algérie... il y a des millions de chômeurs et de sans-abri. Refuser cela, c'est une résistance et, qu'elle se manifeste d'une manière ou d'une autre, elle est la marque de l'homme. Comme disait mon ami le poète Nazim Hikmet, qui était resté de longues années dans les prisons turques : « Prison ou pas, là n'est pas la question, il s'agit de ne pas se rendre, c’est tout. »

  • Chanson - Aline Pelletier - Prison de Fresnes août 1944

« Je n’aime pas raconter ce qui s’est passé dans la maison des morts. C’est plutôt l’antichambre de la mort , qui étaient les salles de torture. Parce que ça, c’est un autre monde et qui n’est pas de celui-ci. C’est quelque chose de très difficile à raconter et à revivre. Et je pense que, quand on est sorti de là, comme je suis, moi, avec mes deux seins et avec mes yeux, je n’ai pas le droit de dire que j’ai été torturée. » 

  • Thème de Madeleine - Aline Pelletier
  • Voix ( extrait ) - 19 août 1944
  • Rue de la Chapelle - Laurent Zeller - 1946 dédié à Paul Eluard

« J'étais complètement folle. Je n'avais peur de rien. Je courais sur le haut des toits, sur le bord des gouttières. Je faisais la guerre. Les miliciens s'étaient réfugiés sur les toits et tiraient sur la foule avec des fusils et des mitraillettes. Alors, moi, je faisais la guerre des toits. » 

  • Toutes les lumières de Paris - Joseph Kosma - 1951

« Nous qui sortions de la clandestinité, nous étions profondément blessés par ce que nous avions vécu et la gaieté, la grâce, la légèreté... cette grâce ailée qui avait conduit nos pas alors que nous avions tout donné, étaient perdues. La vie et la mort pour la patrie était légères comme une plume. Tout à coup tout devenait de plomb. » 

  • Petite soeur Vui - Joseph Kosma - 1950 - Dédié à une étudiante vietnamienne réfugiée à Paris

« Paul et Nusch Eluard m’accueillirent. Ces deux êtres si proches l'un de l'autre rayonnaient et cultivaient l'amitié comme ils cultivaient leur amour. Je rencontrais chez eux Louis Aragon, Tristan Tzara, Raymond Queneau, les musiciens Jean Wiéner et Joseph Kosma qui me demandaient des paroles pour leur musique, sachant bien qu'ainsi ils me dépannaient, me faisaient gagner un peu d’argent. » 

 

« Printemps de Danielle de Jean Wiéner - crée le 8 mai 1950, à la salle Pleyel par Irène Joachim. Une commande de l’Union des Femmes Française en hommage à la résistante communiste Danielle Casanova. »

  • Printemps de Danielle - Jean Wiéner - 1950
  • Miroir ( extrait ) - Hiver 1944
  • Les femmes - Joseph Kosma - crée en 1950 pour L’Union des Femmes Françaises, à l’occasion du congrès mondial des partisans de la paix, qui s’est tenu à Paris, en avril 1949, à l’initiative du parti communiste.

« J'étais un pontonnier, j'avais envie que les gens se rencontrent. Je me suis toujours considérée comme un petit pont. Au fond, j'ai toujours fait un travail d'agent de liaison. J'ai adoré les rencontres. Ce qui peut vous arriver de plus heureux dans la vie, c'est la rencontre et de plus malheureux, c'est la non-rencontre. Nous avons besoin les uns des autres. Nous avons besoin de nous parler. Si le désert est beau, c'est à cause de ses oasis. »

  • Les Midinettes - Jean Wiéner - 1950
  • L’harmonica - Retour des déportés - 1945
  • Amour où est tu ? - Joseph Kosma - 1951

« Elsa Triolet me donna un conseil: pour le journalisme, pas besoin d'aller à l'école, mais il faut lire deux textes: Choses vues de Victor Hugo et le Nouveau Testament. J’ai aimé ce métier. Je suis parti au bout du monde, grand reporter, correspondante de guerre. » 

« Ensuite j’ai participé à la lutte de la population française contre les guerres coloniales. C’était pour moi un devoir patriotique qui était la suite de la Résistance. »

  • Danh - Accompagné par Chin Ping Lin - 1948

« J'ai été « la souris » en Algérie, (parce que la souris aime les ratons...).

J'ai été Chi Tam, la huitième sœur, parmi les paysans vietnamiens. J'ai été Marthe, fille de salle, infiltrée dans l'Assistance publique pour vivre la vie quotidienne d'un hôpital. Là, j'ai commencé à retrouver Rainer. Je crois que ces identités multiples n'en font qu'une. C'est Madeleine Riffaud. Je serais contente, si cela est possible, si je pouvais rester, jusqu'à ma mort, digne de la jeune fille que j'ai été. »

  • Chanson pour les Aurès - Accompagné par Redouane Zaaraoui - 1954