Bons baisers

de Vichy

Théâtre musical

 

Durée : 1h15

 

Mise en scène : Frédéric Fresson

Texte : Emmanuelle Goizé et Patrice Tcherkézian

 

Avec :

Emmanuel Berl : Hervé Briaux

Mireille : Emmanuelle Goizé

 

Création musicale des enregistrements : Emmanuel Bex

Chansons : Mireille, Charles Trénet, Offenbach

 

 

 

Bons baisers de Vichy se déroule entre 1936 et 1940 et est inspiré de la vie de la chanteuse et compositrice Mireille et de son époux l’écrivain et créateur du journal Marianne, Emmanuel Berl.

Cette pièce est une réflexion sur l’engagement au moment où l’Histoire nous met face à nos contradictions.

 

Ils sont tous les deux juifs, elle, une jeune vedette de la scène parisienne, compositrice et interprète de chansons swing et légères, lui, essayiste, romancier, rédacteur en chef du journal Marianne, et, occasionnellement de discours pour hommes politiques.

 

Elle revendique ne s’être jamais intéressée à la politique. Lui, marqué par son expérience traumatisante de soldat dans les tranchées de la guerre de 14-18 est avant tout pacifiste. Au travers de ses relations avec le monde politique, il sera amené à écrire, en partie, les discours des 23 et 25 juin 1940 du Maréchal Pétain.

 

Au fil du texte, les chansons de Mireille battent le rythme de leur histoire d’amour et de leur destin dans l’immédiat avant-guerre.

 

 

 

 

[Extraits]

 

- Ça a commencé comment ?

- Quoi donc ? les ennuis ? Il y a quasiment quatre-vingt ans. Sous le

signe du lion, doublement, lion ascendant lion.

- Maintenant vous habitez un bel appartement sur le jardin du Palais-

Royal...

- Oui enfin, un deux pièces !

- Il y a beaucoup d’écrivains plus connu que vous...

- Il y en a même pas mal !

- Mais vous avez une qualité que tous vous reconnaissent : c’est

l’intelligence.

- L’ennui, c’est que l’intelligence ça ne sert à rien. C’est à dire que

comprendre et vivre ce n’est pas la même chose.

 

 

 

[Chanson]

 

Le petit pot de lait

Encore un crime,

la guerre en Chine,

trois cents victimes,

et Mussolini n'est pas gentil.

Oui tout ça va mal,

c'est effrayant c'est infernal.

Tout est anormal,

je plie mon journal.

Pour me consoler, pour oublier que tout est laid,

Je vais boire mon petit pot de lait.

 

 

 

 

[Notes d’intention]

 

Bons baisers de Vichy est une pièce qui aborde notre rapport intime à la grande Histoire. Avec légèreté et humour, parfois avec une ironie acerbe elle questionne notre capacité à continuer de vivre dans le mouvement des événements et nous projeter vers l’avenir, comme si de rien n’était, dans un monde qui semble glisser vers le pire. Comme le dit la chanson : Tout va très bien Madame la Marquise, Tout va très bien,…

 

Comme pour une revue des années 30, musique et théâtre s’élaboreront dans un même mouvement. Scénographie et lumière, au service de ce rythme grisant et oublieux de la réalité, permettant de passer en un instant du music-hall au théâtre de l’intimité, de la légèreté chantante et lumineuse d’une Emmanuelle/Mireille aux interrogations sombres et fiévreuses de Hervé/Emmanuel Berl.

 

Pour ne jamais perdre l’intimité et l’interaction, les chansons seront chantées en direct accompagnées par une bande instrumentale créé par Emmanuel Bex au piano et à l’orgue Hammond. Cette partition au gré des situations créera des espaces de jeux dans une forme originale de comédie musicale.

 

L’écriture sensible et drôle de Bons baisers de Vichy où se mêlent chansons et péripéties autour du destin de deux êtres si différents et si amoureux, m’a semblé offrir une respiration bienfaisante et nécessaire dans la période trouble, inquiète et périlleuse que nous traversons.

 

Frédéric Fresson

 

 

[Chanson]

 

le tableau que j’ai fait pour lui

Bleu, le ciel m’a paru moins bleu,

Vert, le pré m’a paru trop vert.

Et puis, plus de maison claire,

Tant pis, je vais tout refaire.

Gris, puisque le ciel s’assombrit.

Noir, j’avais perdu tout espoir.

Et puis tout s’est éclaircit

J’ai r’mis du blanc sur du gris

J’ai remis du rose et du bleu

Soyons heureux.

 

 

 

 

Le projet est né de mon émerveillement à l’écoute des chansons composées par Mireille au début des années 30. Sous leur faux air de petits airs que l’on peut siffler aussi facilement qu’un Vittel-menthe, elle recèlent des trésors de composition et cachent une densité qui ne demande qu’à se révéler.

 

En découvrant le couple Berl/Mireille, un couple aux personnalités et préoccupations très opposées mais complémentaires, en découvrant les circonstances de leur rencontre et la façon dont ils ont traversé l’immédiat avant-guerre, le désir d’interpréter les chansons s’est doublé de celui d’écrire leur histoire, à 4 mains avec Patrice Tcherkézian, sous forme d’une comédie musicale, au gré des refrains de

Mireille.

 

Hervé Briaux, compagnon de jeu et brillant interprète de ses propres adaptations, s’est imposé dans le rôle de Emmanuel Berl.

Frédéric Fresson, musicien et comédien à l’origine des spectacles de la Cie Sonnets avec Norah Krief est apparu avec l’évidence du coup de théâtre à la mise-en-scène. Et c’est sans aucune hésitation que nous avons demandé à Emmanuel Bex, notre trait d’union, de nous accompagner musicalement.

 

Sous ces audacieux augures nous rebattrons les cartes de notre collaboration pour Bons baisers de Vichy, dans la confiance et la complicité qui nous ont fait nous rencontrer et nous lier.

 

Emmanuelle Goizé

 

 

 

[Chanson]

 

Puisque vous partez en voyage

Puisque vous partez en voyage

Puisque nous nous quittons ce soir

Mon cœur fait son apprentissage

Je veux sourire avec courage.

Voyez j'ai posé vos bagages,

Marche avant, côté du couloir

Et pour les grands signaux d'usage

J'ai préparé mon grand mouchoir.

Dans un instant le train démarre

Je resterai seul sur le quai

Et je vous verrai de la gare

Me dire adieu là-bas avec votre bouquet.

Promettez-moi d'être bien sage

De penser à moi tous les jours

Et revenez dans notre cage

Où je guette votre retour.

 

 

 

 

[Extrait]

 

- Oui je t’écoute Mireille... Tu as raison. Les mots, ça ne sert à rien.

Comment discerner la vérité dans le flot de mensonges qui déferlent en

ce moment dans les journaux ? La musique, elle, ne ment pas.

Ça ne va pas ?… Tu as passé une bonne journée ?

- Je ne sais plus très bien à quoi ressemble une bonne journée. J’ai

déjeuné avec Kessel. Il revient d’Espagne. Je n’ai rien pu avaler.

J’aurais aimé publier ses derniers textes... Il m’a montré une photo ;

Des femmes qui dorment à même le sol dans des abris. Je ne peux pas

m’imaginer ce qu’elles vivent. L’intervention allemande est radicale,

effroyable. Des affrontements, des bombardements, des morts, des

familles qui fuient, des enfants perdus... Excuse-moi. Je dois Finir mon

édito.

- C’est ton édito qui va te Finir. Tu n’arrives même plus à te lever.

(Mireille rassemble quelques partitions et va en direction de son

appartement.)

- Ne pars pas. Reste avec moi s’il te plait. Tu peux répéter ici. Ça ne

me dérange pas.

(…)